Archives quotidiennes : 8 février 2012

Jiddu Krishnamurti

Charles Genoud : Plénitude

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    Charles Genoud conduit des retraites dans les traditions vipassana et tibétaines. L’extrait est tiré d’une retranscription d’un enseignement donné en week-end  à Paris.

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     […] Simone Weil disait que ce que nous cherchons dans les choses, les évènements, les relations, n’est pas faux ; mais que c’est l’endroit où nous cherchons qui est faux. En d’autres termes, imaginer que nous pourrons parvenir à la plénitude au moyen d’objets, de situations, de personnes… revient à croire que nous parviendrons de l’extérieur de nous-mêmes à combler un manque intérieur. C’est une erreur. Nous cherchons au mauvais endroit. Ce n’est pas la recherche de la plénitude qui est fausse, mais l’endroit où nous la cherchons.
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    Un swami indien disait, lui, que le fait que nous ne soyons jamais lassés de cette quête, que nous cherchions constamment la plénitude au moyen de nouveaux objets, de nouvelles situations, de nouvelles relations, que nous soyons constamment mus par cette quête, prouve que nous savons intimement que la plénitude existe. C’est la preuve, disait-il, que nous avons l’intuition profonde qu’elle peut être atteinte et qu’il est juste de la chercher. Mais une confusion sur la manière d’y parvenir peut exister. Dans ce cas, nous demandons aux objets, aux personnes, aux situations ce qu’elles ne peuvent pas nous procurer : il est impossible à quelque circonstance ou objet extérieur que ce soit, de procurer une plénitude d’ordre intérieur.

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     La méditation, dans une certaine mesure, répond à notre aspiration de parvenir à la plénitude. Dans la tradition bouddhique, comme dans les autres traditions mystiques, elle permet d’aller plus loin, mais c’est une première étape. Dans la méditation, pour explorer cette dimension de nous-même, nous ne nous tournons plus vers l’extérieur, mais vers l’intérieur. C’est un renversement d’attitude essentiel : la plénitude ne pouvant jamais être obtenue en ajoutant quelque chose de l’extérieur, nous nous tournons maintenant vers l’intérieur. La plénitude est le fait de la plénitude de notre présence et non celle d’avoir. La plénitude est une dimension de l’être et non de l’avoir. Lorsque nous la concevons en termes d’avoir, notre démarche est évidemment vouée à l’échec. Mais si nous l’exprimons en terme d’être, nous nous rendons compte qu’il n’est pas possible d’ajouter à notre être quelque chose qui viendrait de l’extérieur.

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    Il y a donc renversement du mouvement. Ce n’est pas un mouvement vers l’extérieur, mais un mouvement vers l’intérieur. Cela signifie également que la plénitude de l’être, si elle est accessible, si nous pouvons l’atteindre sans rien ajouter de l’extérieur de nous-mêmes, est déjà et toujours complètement présente en sous. La plénitude n’est pas quelque chose que nous pouvons créer, organiser ou construire, elle est ce par quoi nous commençons, elle est notre être le plus intime. Dans la vie quotidienne, tout mouvement est, généralement, un mouvement qui nous sort de la plénitude, même si nous essayons sincèrement de trouver des satisfactions. Tous mouvements qui essayent d’acquérir, de recevoir, de garder, sont les mouvements mêmes qui nous font sortir de la plénitude.

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    Il y a quelque chose d’assez extraordinaire dans le fait que la plénitude soit ce par quoi nous commençons et que, lorsque nous la plaçons à l’inverse : ce vers quoi nous tendons, ce mouvement même nous en rende l’expérience impossible. Dans la méditation, cela veut dire qu’il ne s’agit pas de transformer, de manipuler : il ne s’agit pas d’adopter l’attitude qui, dans notre vie quotidienne, vise à transformer, à modifier, à obtenir, car c’est elle qui crée le sens du manque.
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     Il y a donc lieu, en méditation, de laisser tomber toute notre intelligence, toute cette intelligence qui permet de transformer le monde. Cette intelligence là est extraordinaire, très utile, mais elle est liée au temps, à l’accomplissement de quelque chose qui n’est pas présent. C’est donc bien un renversement d’attitude : ne plus chercher à accomplir ou à obtenir quelque chose qui ne serait pas là à cet instant même, mais rester dans l’instant présent. Et ce n’est que lorsque nous arrivons à faire cesser ces mouvements qui nous poussent vers le futur pour accomplir ou obtenir, ou qui nous tirent vers le passé pour retrouver – ce n’est que dans la mesure où nous n’adhérons plus à ces mouvements que nous pouvons rester dans l’instant présent. Là, il est possible d’être en intimité avec nous-même et de faire, dans cette intimité, l’expérience de la plénitude de notre être. Ainsi, le mouvement dans le temps nous sépare de la plénitude et le mouvement vers l’extérieur, dans l’espace, nous en sépare également.[…]

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 Charles Genoud – Manque et Plénitude – www.vimalakirti.org

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QUELQUE PART

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